
Une vaste étude australienne apporte un éclairage inédit sur les blessures musculo-squelettiques des chevaux de course. En analysant plus de 3 000 départs réalisés par 405 pur-sang en début de carrière, des chercheurs montrent que les fractures, les boiteries et les lésions tendineuses ne surviennent pas brutalement, mais résultent d’une fatigue musculaire et osseuse cumulative. Leurs résultats, publiés dans The Veterinary Journal, pourraient modifier la manière dont la filière du galop gère l’entraînement et la prévention des accidents.
L’équipe s’est appuyée sur des données en course grâce à des capteurs embarqués mesurant chaque foulée (vitesse, fréquence, longueur) et permettant de modéliser, pour chaque cheval, la part de la fatigue musculo-squelettique accumulée à chaque épreuve. Cette approche, fondée sur la biomécanique équine, révèle que les microlésions surviennent très tôt, parfois dès les premiers mois de carrière d’un cheval.
Un risque maximal en début de carrière
L’étude montre que les chevaux qui courent pour leur première saison sont largement surreprésentés parmi les animaux blessés. Ce risque précoce, indépendant de l’intensité de la course, s’explique par un squelette encore insuffisamment adapté aux contraintes mécaniques du galop. Selon les auteurs, les premières semaines déterminent une part importante de la santé musculo-squelettique de l’animal, faisant de ce moment une phase critique où les forces appliquées doivent être particulièrement maîtrisées.
Les chercheurs soulignent aussi que les chevaux qui ont bénéficié de longues périodes de repos (plus de cinq mois) présentent davantage de blessures, probablement parce que le système musculo-squelettique, désadapté, se retrouve exposé à des contraintes plus importantes lors de la reprise de l’entraînement. Cette observation renforce l’idée que les phases de repos doivent être accompagnées d’un réentraînement progressif, fondé sur la biomécanique locomotrice.
Entre trop et trop peu, un équilibre à trouver
L’un des enseignements majeurs de l’étude est que le risque d’accident n’augmente pas seulement en cas d’entraînement excessif. Les chevaux soumis à des contraintes trop faibles lors des quatre courses précédentes présentent également un risque accru de blessure. Ce double seuil est comparable à celui constaté en médecine du sport chez l’humain : un entraînement trop intense surcharge les structures musculo-squelettiques, tandis que des efforts trop espacés empêchent leur adaptation et les rendent vulnérables à une charge d’entraînement soudaine.
Les travaux montrent que les chevaux ayant accumulé le plus de fatigue sur une seule course (charge aiguë) ou sur leur carrière entière (charge chronique) sont plus susceptibles de se blesser. À l’inverse, les efforts intermédiaires, ni trop faibles ni trop forts, réduisent nettement ce risque.
Des différences entre sexe et niveau de compétition
L’étude confirme plusieurs observations déjà documentées dans la littérature internationale. Les mâles présentent un risque de fatigue musculo-squelettique plus élevé que les femelles, même après la prise en compte des caractéristiques des courses. Les épreuves les plus prestigieuses affichent également un taux de blessures plus élevé, en cohérence avec l’intensité des vitesses atteintes et la sélection des chevaux les plus performants, qui courent souvent à la limite de leurs capacités mécaniques.
Des applications immédiates pour la filière
L’apport le plus novateur de cette recherche est d’avoir montré qu’il est désormais possible de cartographier le développement des lésions bien avant leur apparition clinique. Grâce aux données des foulées enregistrées par les capteurs, les entraîneurs pourraient détecter les chevaux qui s’écartent du schéma biomécanique habituel, signe d’une fatigue structurelle ou d’une blessure débutante.
Les auteurs soulignent que l’intégration systématique de ces outils pourrait permettre d’ajuster les programmes d’entraînement en temps réel, en évitant les pics d’intensité trop rapides et en garantissant une progression compatible avec les capacités d’adaptation des tissus. Les implications en matière de bien-être animal, mais aussi de sécurité des jockeys et de maintien de la confiance du public, sont considérables.
Cette approche offre également un cadre pour repenser l’entraînement des jeunes chevaux, les phases de repos et les modalités de retour à la compétition, dans une perspective où l’objectif n’est plus uniquement la performance immédiate, mais la durabilité physique du cheval athlète.
Vers un modèle prédictif du risque de blessure
Avec un modèle statistique présentant une capacité explicative dépassant 70 %, cette étude montre qu’une part importante du risque est liée à l’intensité de la charge de travail. Les auteurs rappellent toutefois que d’autres facteurs comme la morphologie, le poids, le type de piste et les particularités individuelles n’ont pas pu être intégrés dans leur modèle, faute de données suffisantes. Ils appellent à développer des études intégrant également la charge d’entraînement hors course, afin de produire un modèle prédictif plus complet et applicable à d’autres régions du monde.
















