Grâce à des drones, une équipe hongroise s’est penchée sur la structure des interactions sociales dans une population de chevaux sauvages de Przewalski. Il apparaît que ces chevaux vivent dans une société complexe, à plusieurs niveaux souvent imbriqués, et qui évolue au fil du temps. Ainsi, certains harems existent depuis plus d’une décennie…
Les scientifiques ont suivi simultanément, grâce à des vidéos à haute résolution spatio-temporelle, les mouvements collectifs d’un troupeau de 238 chevaux de Przewalski répartis en “harems” (groupes d’un mâle et de plusieurs femelles) dans un parc naturel en Hongrie. Le suivi individuel a pu être assuré par une identification propre à chaque cheval sur les images fournies par les drones.
L’analyse des données comportementales recueillies, combinées aux données démographiques issues de deux décennies de surveillance de ce troupeau, révèle comment la structure du réseau social chez ces chevaux est liée à la parenté et au degré de familiarité entre les individus, qui découle des liens établis et du temps passé ensemble dans un même harem. En matière de parenté, les relations entre frères et sœurs mâle-mâle et femelle-femelle sont apparues toutes deux importantes. Une observation intéressante quand on sait que chez les zèbres des plaines, une espèce étroitement apparentée, la formation des harems est uniquement motivée par les relations de parenté femelle-femelle. Dans les sociétés humaines et de primates, la constitution de groupes peut être fondée sur des liens mâle-mâle, qui sont ou non associés à une parenté génétique.
En outre, la centralisation de la structure sociale dépendrait fortement de l’âge et de “l’expérience” antérieure des étalons dans la gestion d’un harem. Ainsi, les harems plus anciens et plus grands, avec des étalons plus âgés et plus expérimentés à leur tête, occupent des positions plus centrales dans le troupeau. Les observations ont montré que les caractéristiques de ces harems et leur position centrale dans le réseau leur confèrent des avantages en matière de défense communautaire. La proximité d’un plus grand nombre de harems et d’étalons peut en effet favoriser la protection contre les mâles célibataires, allonger la durée de dominance de l’étalon sur son harem et protéger les femelles contre le harcèlement des mâles et les risques de blessure, voire de mortalité pour leurs poulains. Enfin, autre avantage, sanitaire celui-ci, la structure sociale centralisée du troupeau pourrait avoir une influence sur l’exposition aux taons et autres insectes piqueurs !
Notons que tous ces facteurs combinés, les harems dirigés par des étalons apparentés génétiquement sont plus proches les uns des autres dans le réseau et les échanges de femelles entre harems sont plus fréquents. En outre, l’étude des mouvements spécifiques des juments de différents harems permet aussi de prédire la composition des harems dans le futur.
Si l’étude apporte un nouvel éclairage sur la dynamique des réseaux sociaux chez le cheval, son principal intérêt reste que les nouvelles technologies (captation des données par drone et méta-analyses) permettent de cartographier une société animale, ainsi que sa dynamique passée, actuelle et future, en quelques minutes seulement. De prochaines études devront aussi se pencher sur l’influence d’autres circonstances, comme le mouvement des troupeaux en quête de nourriture ou en phase de repos, sur les interactions sociales et spatiales.
