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Trafic de peaux d’âne : l’Afrique se dresse contre un commerce mondial destructeur

Derrière la production d’ejiao, ou gélatine de peau d’âne, se cache une industrie florissante, mais d’une cruauté silencieuse

Derrière la production d’ejiao, ou gélatine de peau d’âne, se cache une industrie florissante, mais d’une cruauté silencieuse. Ce produit, prisé en Chine pour ses supposées vertus pour revigorer le sang, favoriser la fertilité et agir sur le vieillissement, alimente un commerce mondial opaque.

 

Selon le Donkey Sanctuary, près de 6 millions d’ânes sont tués chaque année pour satisfaire la demande. En Chine, face à la pénurie d’animaux locaux, les importations se sont massivement tournées vers l’Afrique où les populations rurales dépendent de ces équidés pour leur survie économique et sociale. Les conséquences sont alarmantes : vols d’ânes, réseaux criminels transnationaux, transports clandestins, abattages dans des conditions inhumaines. Le phénomène menace à la fois le bien-être animal, la sécurité sanitaire et la stabilité socio-économique.

 

Un pilier de l’économie rurale en péril

Dans de nombreuses régions d’Afrique subsaharienne, l’âne est l’unique moyen de transport pour aller au marché, chercher de l’eau ou accéder aux soins. Sa disparition impacte directement la subsistance de millions de femmes, souvent en première ligne dans les activités agricoles. Une étude de Brooke révèle que la perte d’un âne entraîne une chute de 30 à 40 % du revenu familial annuel. Cette disparition aggrave la pauvreté, freine l’accès à l’éducation des enfants et accroît la charge de travail domestique des filles.

 

Une riposte continentale sans précédent

Lors de la Pan-African Donkey Conference (juin 2025, Abidjan), plus de quinze pays africains ont formellement adopté un moratoire sur le trafic des peaux d’âne. Cette décision s’inscrit dans une stratégie continentale 2026-2035 ambitieuse qui prévoit :

  • le renforcement des cadres juridiques nationaux ;
  • la création de task forces intersectorielles (vétérinaires, douanes, police) ;
  • le soutien aux éleveurs via la reproduction locale et des solutions alternatives économiques ;
  • une coopération frontalière pour traquer les flux illicites.

 

Une crise éthique, sanitaire et environnementale

Le commerce des peaux d’âne ne menace pas seulement l’économie locale : il met en péril la biodiversité, la santé publique et l’éthique. Dans certains pays, la population d’ânes a chuté de moitié en dix ans. Ce dépeuplement, voire cette disparition, est déjà une réalité au Botswana ou au Niger. C’est une question de justice sociale et de santé publique. En effet, l’abattage illégal sans contrôle vétérinaire fait courir des risques de zoonose.

 

Vers une pression internationale accrue

Des ONG internationales appellent les grandes plateformes (Alibaba, Amazon, eBay) à retirer les produits à base d’ejiao de leurs catalogues. Une pétition du Donkey Sanctuary a déjà recueilli plus d’un million de signatures. En Europe et aux États-Unis, des projets de loi visent à interdire l’importation de ces produits.

Chris Wainwright, de l’association Brooke, plaide pour un boycott global : « Tant qu’il y aura une demande, le trafic se poursuivra. Seule une interdiction coordonnée peut briser la chaîne. »

Ce combat pour la survie de l’âne africain cristallise plusieurs défis : réguler un commerce mondial, préserver une espèce essentielle, défendre les droits des femmes en milieu rural. Il exige une coopération active entre les pays producteurs et consommateurs.

Pour que le moratoire africain devienne un véritable instrument de protection, il devra être appliqué, contrôlé et soutenu par des politiques de développement rural durable. Car derrière chaque peau se cache une famille, un village, un mode de vie entièrement dépendant de l’âne. Quant à la bientraitance de ces ânes…

 

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