
Alors que l’été 2025 s’annonce chaud et humide, les conditions sont réunies pour une expansion sans précédent du virus West Nile en Europe. Déjà bien installé dans le Sud, le virus gagne du terrain vers le nord, mettant en danger la santé humaine… et celle des chevaux.
Une recrudescence inquiétante
En 2024, la France a connu une recrudescence marquée des infections au virus West Nile, avec 38 cas humains autochtones, dont 12 formes neurologiques graves et un décès. Les départements du Var, de l’Hérault, du Gard, de la Gironde et, pour la première fois, des Pyrénées-Atlantiques ont été touchés. Parallèlement, 89 cas équins ont été enregistrés, signe que les chevaux, hôtes accidentels comme les humains, paient un lourd tribut à cette zoonose vectorielle (Gard, Bouches-du-Rhône, Hérault, Var, Haute-Corse, Vendée et Charente-Maritime).
À l’échelle européenne, la situation est tout aussi préoccupante : plus de 718 cas humains ont été notifiés en 2024, principalement en Grèce, Italie, Espagne, mais aussi en Autriche, Serbie et France. Le virus, transmis par les moustiques du genre Culex, se propage essentiellement entre juin et novembre, avec un pic en fin d’été.
Une expansion géographique inédite en 2025
L’année 2025 marque un tournant. Dès mars, l’ARN du virus a été détecté dans 2,5 % des moustiques capturés en France, un signal d’alerte précoce alors que les premiers cas cliniques n’étaient pas encore apparus. Plus inquiétant encore, en mai, le Royaume-Uni a pour la première fois confirmé la présence du virus chez des moustiques dans le Nottinghamshire. L’Allemagne, quant à elle, enregistre des cas équins annuels récurrents depuis 2018, en particulier en Saxe et à Berlin, favorisés par la multiplication des zones humides urbaines.
Les chevaux : victimes, mais aussi sentinelles
Les équidés, très sensibles au virus West Nile, développent parfois des formes neurologiques graves, avec une mortalité pouvant atteindre 30 à 50 %. Mais ils sont aussi devenus, pour les chercheurs, de précieuses sentinelles. Une étude menée en Espagne et au Portugal a montré que les cas équins coïncidaient systématiquement avec les zones à risque pour l’humain. Grâce à une modélisation environnementale intégrant des données vétérinaires, climatiques et hydrologiques, les scientifiques ont cartographié les zones les plus sensibles, permettant une anticipation plus fine des flambées humaines.
Les chevaux ne transmettent pas le virus aux humains, mais leur infection reflète très fidèlement l’activité virale dans une région. Ils constituent une alerte précieuse pour éviter des contaminations humaines plus graves, en révélant les zones à risque.
L’exemple ibérique : un modèle de prévention
Selon une étude scientifique publiée en octobre 2023, les équidés infectés par le virus West Nile pourraient ainsi servir d’alerte précoce pour protéger les populations humaines.
L’année 2020 a marqué un tournant pour l’Espagne et le Portugal. Plus de 140 foyers chez les chevaux et 77 cas humains ont été recensés, la plupart concentrés autour de grandes vallées fluviales comme celles du Guadalquivir, de l’Ebro ou du Tage. Cette flambée sans précédent a poussé les chercheurs à analyser ce qui favorise la transmission du virus, d’origine aviaire, aux mammifères.
Depuis la grave épidémie de 2020, l’Espagne a renforcé ses moyens :
- vaccination obligatoire des chevaux dans les zones à risque ;
- surveillance entomologique intensive ;
- démoustication ciblée ;
- intégration des vétérinaires dans les réseaux de veille “One Health”.
Grâce à cette stratégie, les foyers sont détectés plus tôt, et les cas humains sont restés limités ces trois dernières années. Cette approche globale, liant santé humaine, animale et environnementale, pourrait inspirer d’autres pays européens.
Prévenir le risque dans les écuries : les bons gestes à adopter
Les professionnels équins français sont appelés à agir sans attendre. Plusieurs mesures préventives sont recommandées.
- Éliminer les eaux stagnantes : seaux, bacs, abreuvoirs doivent être vidés ou couverts.
- Entretenir les abords : couper les herbes hautes, curer les fossés, retourner les bâches.
- Installer des protections physiques : filets, rideaux en plastique, couvertures antimoustiques.
- Utiliser des répulsifs homologués, à base de DEET ou de perméthrine.
- Limiter les sorties aux heures critiques : tôt le matin ou en soirée.
- Vacciner les chevaux exposés : notamment ceux vivant près de zones humides ou déjà touchés. La vaccination reste la meilleure arme de prévention. L’Association vétérinaire équine française (Avef) recommande un protocole rigoureux, avec des rappels annuels.
Une mobilisation urgente
Face à cette menace durable, les vétérinaires appellent à une mobilisation des éleveurs, des collectivités et des pouvoirs publics. « La situation aux États-Unis, où le virus West Nile est endémique, doit nous alerter. Le virus s’installe en Europe. Nous devons apprendre à vivre avec, mais surtout à mieux nous en protéger. » À l’aube de l’été, l’Europe entre dans une phase critique. Et cette fois, les chevaux du nord du continent pourraient être en première ligne.
Une vigilance accrue, un enjeu partagé
La prévention de l’infection par le virus West Nile ne concerne pas que les vétérinaires. Elle exige une coopération étroite entre médecins, chercheurs, entomologistes, éleveurs et citoyens. L’approche “One Health” n’a jamais été aussi cruciale.